Le mythe du cicatrisant après la taille : pansement inutile ou vrai soin ?

Un vieux réflexe, encore très répandu ! Beaucoup de jardiniers et même certains professionnels pensent qu’après chaque coupe, il faudrait badigeonner un produit miracle censé fermer la plaie et protéger l’arbre. Mais est-ce bien nécessaire ? La réponse est non. Pire : c’est souvent contre-productif.

Plongeons ensemble dans les tissus vivants des arbres pour comprendre pourquoi, en matière de cicatrisation, la nature n’a besoin ni de pansement ni de pommade, mais simplement de respect et de temps.

Les arbres ne cicatrisent pas comme nous

Le premier malentendu vient d’une comparaison hâtive entre le monde végétal et le monde animal. Quand nous nous coupons, notre peau fabrique de nouveaux tissus pour refermer la plaie. C’est ce qu’on appelle la cicatrisation. Chez les arbres, rien de tel : ils ne referment pas une plaie en « repoussant » du bois comme on régénère de la peau. Ils utilisent une stratégie différente : la compartimentation ou bien encore le cloisonnement.

Lorsqu’une branche est coupée, l’arbre ne bouche pas le trou comme on poserait un bouchon de liège. Il construit autour de la zone lésée une série de barrières chimiques et physiques qui isolent les tissus sains des tissus endommagés. Ce processus, connu sous le nom de CODIT (Compartmentalization Of Decay In Trees, pour les amateurs d’acronymes), permet de contenir le développement de champignons ou de bactéries. Plutôt qu’un pansement, l’arbre déploie une armée invisible de défenses internes.

À quoi sert vraiment le bois de recouvrement ?

Après un certain temps, l’arbre forme du bois de recouvrement sur les bords de la plaie. Ce bourrelet, que l’on voit se développer année après année, est le signe que l’arbre poursuit sa croissance et « contourne » le problème. Il ne répare pas la blessure, il l’intègre et continue sa vie. C’est un peu comme si, au lieu de réparer une fissure dans un mur, on construisait une nouvelle façade par-dessus.

Ce processus est lent, mais il est parfaitement adapté. Et surtout, il n’a besoin d’aucun produit extérieur. Mettre un cicatrisant sur une plaie d’arbre revient à poser un sparadrap sur un tronc : ça nous rassure, mais ça n’aide en rien l’arbre.

Pourquoi le cicatrisant est une fausse bonne idée

Les produits dits « cicatrisants » sont souvent des mastics ou des goudrons végétaux qu’on applique au pinceau. Leur promesse ? Protéger la plaie des champignons et accélérer la cicatrisation. En pratique, c’est tout l’inverse.

En recouvrant la plaie d’une couche étanche, on bloque l’échange d’air et d’humidité. Or, ces conditions confinées sont idéales pour… les champignons que l’on voulait éviter ! Le mastic devient alors une sorte de serre miniature pour micro-organismes indésirables. L’arbre, lui, doit travailler deux fois plus pour gérer cette invasion.

En clair, le cicatrisant est surtout un baume psychologique : il rassure l’humain qui l’applique, mais il complique la vie de l’arbre.

La vraie question : où et comment tailler ?

Plutôt que de chercher des produits miracles, la vraie solution réside dans la qualité de la taille. Une coupe bien faite, au bon endroit, minimise les risques et facilite le travail naturel de l’arbre.

La règle d’or : toujours couper au ras du collet de la branche, cette petite zone renflée où la branche rejoint le tronc ou une autre branche. C’est ici que l’arbre concentre ses défenses chimiques. Si on coupe trop loin (en laissant un chicot), la partie morte devient une porte d’entrée idéale pour les champignons. Si on coupe trop près (en entamant le tronc), on endommage les tissus protecteurs. La coupe doit donc être nette, précise, respectueuse de l’architecture naturelle de l’arbre.

Une taille réfléchie, réalisée en respectant la physiologie, remplace tous les cicatrisants du monde.

Et les grosses plaies alors ?

Bien sûr, plus la plaie est large, plus l’arbre mettra de temps à la recouvrir. Sur les gros diamètres, il arrive même qu’elle ne se referme jamais complètement. Cela ne signifie pas que l’arbre est condamné. Il continuera à vivre, à grandir, en gérant sa blessure par compartimentation.

Là encore, appliquer un mastic ne changera rien au destin de la plaie. Ce qui fait la différence, c’est l’anticipation : éviter les tailles sévères qui créent de grandes surfaces exposées. Autrement dit : mieux vaut plusieurs petites coupes bien placées qu’un gros coup drastique de tronçonneuse.

Pourquoi ce mythe persiste-t-il ?

D’abord parce que nous avons tendance à projeter nos propres réflexes médicaux sur les arbres : une plaie ? Vite, un pansement ! Ensuite, parce que l’industrie a longtemps vendu ces produits comme indispensables, profitant de notre inquiétude légitime pour nos arbres. Et enfin parce que, visuellement, une plaie nue sur un tronc impressionne. Le badigeon rassure, masque la « blessure », et donne l’illusion d’un soin cicatrisant.

Mais une illusion reste une illusion. Les arbres n’ont pas besoin de nos emplâtres : ils ont développé, depuis des millions d’années, des mécanismes de défense autrement plus efficaces que nos pinceaux de jardinier.

Conclusion : halte aux faux remèdes

Non, un arbre n’a pas besoin qu’on lui tartine du mastic après chaque taille. Ce qu’il demande, c’est qu’on le respecte dans son fonctionnement : des coupes propres, bien positionnées, au bon moment. Le reste, il sait très bien le gérer seul.

Le mieux est d’étudier le physiologe de l’arbre pour une taille bien faite. Et ça, ce n’est pas un produit qu’on achète, c’est un savoir qu’on cultive !

Les arboristes grimpeurs Vert d’Horizon


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