Que serait Quimiac sans son joli bois de vieux pins longeant la côte et ses villas tout aussi anciennes, pour certaines, le peuplant ! Nous avons visité nombre de ces houppiers résineux, tantôt pour des tailles tantôt pour des abattages sécuritaires ou pour des vérifications sanitaires ou juste pour le plaisir !
Le bois de Lanséria:
Mais il n’est pas si éloigné, le temps où ce petit coin de paradis n’était que sable et landes à perte de vue. Le village d’origine était dans le bourg actuel et n’allait guère plus loin sur la côte. A cette époque les Quimiacais ou Mesquerais ne s’approchaient pas trop de la côte ni de la plage. Cela représentait le danger pour eux ! Ces landes fréquemment ensablées par les vents étaient laissées en friche. Entre vents, sables mouvants, conflits de propriétés et arrêtés municipaux, voici comment les pins du bois de Lanséria ont conquis leur place.
Des sables envahissants aux premiers conflits fonciers:
Dès le XVIIe siècle, les seigneurs de Beaulieu avaient du mal à contenir l’avancée des sables. Le terrain, jugé improductif et inhospitalier, était utilisé par les habitants pour la pâture. Ou bien encore pour récolter du chiendent et des joncs au grand dam des autorités, qui interdisaient ces pratiques dès 1770.
Avec la Révolution, la propriété change de mains. Pierre Perraud, premier maire de Mesquer, acquiert en 1797 le vaste domaine de trente hectares entre Sorlock et Lanséria pour 26400 livres. Il meurt deux ans plus tard, laissant ses filles héritières de terres peu rentables. Parmi elles, Félicité Frétaud hérite de la parcelle 503, qui, pendant un temps, est gérée par la mairie faute de propriétaire réclamant ses droits. En 1849, après la mort de son mari, Mme Frétaud revendique la propriété de ces terres en s’appuyant sur des titres datant de 1692. La municipalité, incapable de contester ces preuves, lui restitue la parcelle. Cette fameuse parcelle deviendra le bois de Lanséria de Quimiac.
La plantation des pins contre le sable:
Le XIXe siècle voit l’ensablement progresser dangereusement. En 1854, le Conseil municipal s’alarme de la disparition progressive des prairies sous le sable et tente une action de plantation de pins pour stabiliser les dunes. Le pin maritime cet arbre si peu exigeant, aimant les sols bien drainés avec une croissance rapide, est le candidat idéal pour cette mission. Mme Frétaud cède alors 13 hectares à la commune, à condition qu’ils soient plantés. Mais après un premier échec, elle exige de reprendre son terrain, estimant que l’accord n’a pas été respecté.
Malgré ces revers, la municipalité insiste et parvient à financer une nouvelle plantation en 1859. Les pins poussent, mais lentement. Pour accélérer le processus, en 1864, la mairie vote un budget supplémentaire pour ensemencer genêts et ajoncs, des fixateurs naturels de dunes.
Conflits judiciaires et surveillance accrue:
Tout aurait pu rester en l’état si la famille Frétaud n’avait pas insisté et réclamé à nouveau, à partir de 1880, la restitution des terrains, arguant que la convention de 1854 n’avait pas été respectée. La municipalité, confiante, porte l’affaire en justice… et perd. En 1886, la forêt devient donc officiellement une propriété privée. Pendant ce temps, les pins continuent de croître, attisant les convoitises. Le bois étant une denrée rare sur la commune, les vols étaient monnaie courante. Entre les incendies accidentels, prélèvements illégaux de sable pour la construction des villas et les vols, un garde est embauché en 1875 pour veiller sur ce patrimoine naissant.
Du bois au lotissement:
Début XXe, la forêt atteint sa maturité. En 1921, Mesquer devient une station touristique. Flairant l’opportunité, les propriétaires du bois de Lanséria décident de vendre en lots. Les premières annonces paraissent en 1922, vantant un cadre idyllique entre mer et pins, parfait pour construire des villas. Le lotissement est officiellement approuvé en 1924, divisant la parcelle en 127 lots.
Les Mesquérais exigent que certains chemins restent accessibles au public, ce qui est accepté. Heureusement, sinon les belles allées du bois ne seraient pas accessibles aujourd’hui. Les ventes s’accélèrent, attirant une clientèle de notables : médecins, pharmaciens, notaires, prêtres et industriels investissent dans ce coin de paradis. En quelques années, le bois de Lanséria se transforme en un quartier résidentiel prisé.
Le bois de Lanséria aujourd’hui :
Ce bois est aujourd’hui paisible, avec ses villas centenaires pour certaines, comme pour certains de ses pins . Des sujets côtoient les trente mètres de hauteur pour quatre mètres de circonférence. On peut y deviner le temps de leur naissance et leur histoire tourmentée. Ils témoignent de la lutte contre les éléments, de conflits fonciers et de l’adaptation humaine. Il aura fallu plus d’un siècle, des démêlés judiciaires, des erreurs de plantation et des années de surveillance pour qu’enfin, ces pins dominent les dunes. En marchant de ce pas sourd sur le tapis d’aiguilles, dans le bois de Quimiac, écoutez le vent dans les branches et imaginez l’histoire que chaque arbre a pu contempler.
Nous avons toujours un grand plaisir et du respect à faire l’ascension de ces magnifiques vieux pins. Ils nous offrent en prime une vue splendide sur l’océan lorsqu’on atteint le haut du houppier. Une certaine taille appelée éclaircie permet de les magnifier pour de nombreuses année tout en les rendant moins sensibles au vent et plus traversants à la lumière. Les tailles sanitaires régulières permettent de limiter le risque de chute des branches mortes. Ce bois est très fréquenté!
Aujourd’hui, le Bois de Lanséria reste un environnement fragile, si les dunes ont été maîtrisées (en apparence), elles rappellent de temps à autre leur caractère indomptable. Les pins maritimes sont moins nombreux qu’à l’origine de ce bois, mais certains sont toujours là depuis le début ! Ces grands végétaux peuvent vivre jusqu’à 450 ans ! Prenons-en soin et plantons-en d’autres pour préserver son cycle de renouvellement et la beauté de ce lieu. Il serait dommage qu’il disparaisse.
Pin et cyprès à adopter !
Nous avons quelques pins et cyprès d’environ cinquante centimètres de hauteur, pour lesquels nous cherchons des sites de plantation. Heureux propriétaires au sein du bois de Quimiac, n’hésitez pas à vous manifester si une place est disponible pour un, deux, trois sujets dans votre jardin. Vous assurerez ainsi le cycle du bois et participerez à son histoire!
Les arboriste grimpeurs Vert d’Horizon
Un grand merci à Madame Jocelyne Leborgne, de m’avoir permis de glaner des informations sur ses articles d’ “Histoires et Patrimoine”!