On entend souvent que les pins, sapins et autres cyprès acidifie le sol plus rien ne poussant en dessous ! Ce refrain, qui s’invite dans les discussions forestières comme au coin d’un jardin, est aussi persistant qu’une aiguille de pin accrochée à votre pull en laine. Mais est-ce vrai ? Les résineux sont-ils vraiment les grands coupables de l’acidification des sols ? Non, ou du moins pas plus que les autres essences. Et si vous avez la patience de lire ces lignes, nous allons déconstruire ensemble cette idée reçue !

D’où vient ce cliché ?
L’idée que les résineux acidifieraient les sols vient d’une observation simple : sous une pinède ou une sapinière, il n’y a souvent pas grand-chose qui pousse. Le sol est recouvert d’une épaisse litière d’aiguilles brunes, sèches, peu engageantes. De là à conclure que ces arbres « empoisonnent » la terre, il n’y avait qu’un pas… que beaucoup ont franchi allègrement.
Et pourtant, ce n’est pas si simple. L’acidité d’un sol dépend surtout de sa nature géologique et de son fonctionnement biologique. Les aiguilles de pin ne transforment pas miraculeusement un sol calcaire en sol acide. Elles se contentent de s’adapter à ce qui est déjà là.

Il est vrai que les aiguilles contiennent de la lignine, des résines et des composés phénoliques, donc elles se décomposent lentement. Mais « lent à se décomposer » ne veut pas dire « acidifiant ». Une aiguille n’est pas une petite fiole d’acide cachée dans le feuillage, rassurez-vous.
Les vraies causes de l’acidité du sol
Un sol acide est avant tout le produit de son histoire géologique. Les roches mères pauvres en bases minérales (granite, grès, schiste) donnent naissance à des sols acides. Si vous plantez du hêtre, du châtaignier ou du bouleau dessus, le sol restera acide. Et si vous y plantez du pin maritime ou de l’épicéa, devinez quoi ? Il sera toujours acide.
En d’autres termes, ce n’est pas le pin qui a créé l’acidité du sol landais, mais bien le sable siliceux déposé par l’océan il y a des milliers d’années. Le pin maritime, pragmatique, s’est simplement adapté à ce terrain difficile.

Mais alors, pourquoi ça pousse si mal sous les pins ?
Bonne question ! Et c’est là que les aiguilles entrent en scène. Leur décomposition est lente, ce qui fait que la litière s’accumule et forme un tapis dense qui limite la germination d’autres espèces. Ajoutez à cela une ombre persistante et une concurrence racinaire redoutable, et vous obtenez un sous-bois clairsemé.
Mais ce phénomène n’est pas propre aux résineux. Essayez donc de faire pousser une prairie sous un hêtre : bon courage ! Là encore, la densité du feuillage et l’épaisseur de la litière réduisent les chances des petites plantes ambitieuses. Ce n’est donc pas « l’acidification » qui explique la rareté de la végétation, mais bien la stratégie défensive de l’arbre, qui protège son territoire avec une efficacité admirable.
Le sous-bois d’une pinède n’est pas vide pour autant. Certaines espèces spécialisées, comme les bruyères, les myrtilles ou certains champignons mycorhiziens, s’y installent très bien. La diversité n’est pas absente, elle est simplement différente.
L’acidification réelle : l’affaire de la pluie et des dépôts atmosphériques
Si on cherche les vrais coupables de l’acidification des sols, il faut lever les yeux vers le ciel. La pluie, légèrement acide à cause du CO₂ qu’elle contient, lessive progressivement les sols de leurs minéraux. Et les retombées industrielles ou agricoles (oxydes d’azote, dioxyde de soufre) accentuent encore ce phénomène.
Ainsi, dans les zones fortement impactées par l’activité humaine, certains sols forestiers se sont réellement acidifiés au fil des décennies. Mais ce n’est pas la faute des aiguilles de pin : ce sont nos cheminées, nos voitures et nos usines qui en sont responsables.

Ce que disent les études scientifiques
Les recherches montrent que l’effet des résineux sur le pH du sol est très limité. Oui, leurs aiguilles peuvent abaisser temporairement le pH en surface, mais cet effet est superficiel et ne change pas la nature profonde du sol. Le pH global dépend avant tout de la roche mère et du climat.
En clair, remplacer une hêtraie par une pinède modifie la litière et la microfaune, mais pas la chimie profonde du sol. Le pH reste fidèle à ses origines géologiques.
Un mythe tenace mais utile
Alors, pourquoi ce mythe persiste-t-il ? Parce qu’il est simple, visible et facile à répéter. Et aussi parce qu’il sert parfois d’argument pratique pour accuser les pins de tous les maux. Pourtant, il aurait fallu accuser les roches, la pluie et les activités humaines bien avant eux.
Ce qui est sûr, c’est que ce cliché a au moins une utilité : il ouvre la porte à une discussion passionnante sur les sols, leur complexité, et le rôle subtil des arbres dans leur évolution.

Halte au procès des résineux
Les résineux n’acidifient pas les sols plus que les autres essences. Ils vivent avec la géologie qu’on leur donne, recyclent leurs aiguilles comme ils peuvent et aménagent un sous-bois à leur image : sobre, sélectif, parfois un peu piquant. L’acidité vient surtout de la roche mère, du climat, et de ce que nous, humains, envoyons dans l’atmosphère.
Alors, inutile de jouer les procureurs : les pins n’ont pas versé d’acide dans la soupe du sol. Leur seul crime, c’est de laisser traîner leurs aiguilles, comme un colocataire un peu désordonné. Et encore, elles finissent par se décomposer et nourrir la terre.
Chez Vert d’Horizon, on préfère donc réhabiliter leur réputation : non, les résineux ne tuent pas les sols… ils les habillent façon « tapis d’aiguilles ». C’est d’ailleurs plutôt réussi.

Article très intéressant comme d’habitude,
Petite question, peut-on utiliser du broyat de résineux comme paillage sur des parterres de fleurs ? sans risque d’abîmer les fleurs déjà plantées
Bien sur sans aucun problème ! En prime, le paillis reste en place plus longtemps car il se dégrade moins rapidement que celui issu du feuillus.
excellent article très instructif Merci pour ce partage de connaissance
Merci Monsieur Vincent
Encore un grand Merci pour ce partage qui va m’être très utile/précieux auprès de mon entourage 🙏👌😌.
Bien à vous.
PhS
Merci Monsieur Soille
Très bel article, pédagogique et instructif.
Avez-vous songé à éditer un recueil de tous vos articles qui ferait le bonheur des amis des arbres et de la forêt?
Pas encore mais pourquoi pas !
Passionnant, argumenté, comme tous vos articles.
Depuis que je vous lis, je prends d’autres dispositions pour mon jardin. Exit les tentatives de pelouse au pied de mon grand pin de 50/60 ans, pelouse qui nécessitait beaucoup d’arrosage pour un piètre résultat. Désormais, s’épanouissent mahonias (au pied), bruyères, sauge a petites feuilles, rhododendrons, azalées, pervenches, cyclamen, armoise (épatant pour éloigner les moustiques).
Merci Samuel pour tous vos précieux conseils et la grande qualité de vos interventions dans nos jardins.
Merci beaucoup Madame !