Broussin ou loupe ? Amateurs d’arbres, curieux ou simplement amoureux de la nature, peut-être avez-vous déjà croisé des troncs arborant des excroissances étranges, tantôt rondes, tantôt biscornues. Il ne s’agit pas d’une anomalie génétique ou d’un sort maléfique jeté par une forêt enchantée, mais bien d’un phénomène naturel fascinant : les broussins et les loupes. Ces deux formations, souvent confondues, racontent chacune une histoire différente, mais toujours pleine de mystères.
Le broussin, ce survivant épicormique
Le broussin, également surnommé « brogne » dans certaines régions, est une excroissance issue de bourgeons dormants se réveillant mal ! Ces bourgeons, discrets et endormis sous l’écorce, se réveillent parfois sous l’effet d’un stress : une blessure mécanique, une attaque d’insectes, un gel tardif, une taille de l’arbre drastique…En règle générale ce bourgeon recrée une branche, mais là, l’arbre choisit de l’avorter et ainsi de suite pour tous les autres au même endroit ! L’arbre se met donc à produire une masse de fibres totalement désorganisées, créant cette boule noueuse et rugueuse qu’on appelle broussin. On parle de phénomènes épicormiques.
Ces formations peuvent apparaître sur presque toutes les essences : chêne, frêne, orme, et même certains résineux. Elles se reconnaissent à leur aspect chaotique, hérissé de petits picots ou de très petites branches avortées. Ce sont, en quelque sorte, les cicatrices de l’arbre, témoins de sa lutte silencieuse contre les agressions du monde extérieur.
Et la loupe, alors ?
Ah, la loupe ! Là, on change de registre. Contrairement au broussin, qui résulte d’un réveil de bourgeons, la loupe naît d’un dérèglement du cambium, cette couche magique située entre l’écorce et le bois. Ce cambium, véritable usine de production cellulaire, fabrique habituellement du bois d’un côté et du liber (la partie interne de l’écorce) de l’autre, permettant à l’arbre de croître en épaisseur.
Mais voilà, sous l’effet d’un corps étranger (une larve, une piqûre d’insecte, une blessure…), le cambium peut perdre la tête et se mettre à produire des cellules en excès. Ces cellules prolifèrent de manière anarchique, formant des tourbillons et des spirales. Résultat ? Une excroissance bien ronde, parfois lisse à l’extérieur, et surtout un trésor pour les ébénistes à l’intérieur.
Broussin ou loupe : comment les distinguer ?
Si ces deux formations intriguent autant, c’est parce qu’elles se ressemblent, mais de loin. Car en y regardant de plus près :
- Origine : le broussin vient d’une prolifération de bourgeons avortés, la loupe d’un dérèglement du cambium.
- Apparence extérieure : le broussin est rugueux, hérissé et irrégulier, tandis que la loupe est plus lisse et arrondie.
- Structure interne : le broussin est un méli-mélo de fibres enchevêtrées, peu exploitable en menuiserie. La loupe, elle, offre des motifs veinés spectaculaires, prisés pour les placages de meubles luxueux.
Alors, faut-il couper un arbre dès qu’il porte une loupe pour en faire un meuble de collection ? Pas si vite ! Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ni la loupe ni le broussin ne mettent en danger la vie de l’arbre. Ces excroissances ne sont pas des maladies, mais des réponses naturelles et parfaitement maîtrisées à des agressions extérieures.
En d’autres termes, un arbre portant une loupe ou un broussin peut vivre sa vie tranquillement, sans souci pour sa santé. Sauf cas exceptionnel (comme une attaque de parasites ayant atteint le cœur de la loupe), il n’est pas nécessaire de sacrifier l’arbre. Alors, laissons ces merveilles naturelles là où elles brillent le plus : dans la forêt, plutôt que dans nos salons.
Une leçon de résilience
Le broussin et la loupe, au-delà de leur utilité ou de leur beauté, sont des symboles de la résilience des arbres. Ces géants silencieux, capables de produire des fibres tourbillonnantes ou des bourgeons en masse pour faire face à une blessure, nous rappellent à quel point la nature sait s’adapter.
Pour les arboristes, ces formations sont autant d’indices sur la vie et les luttes passées d’un arbre. Pour les ébénistes, elles sont des matières premières précieuses, à manier avec respect. Et pour le promeneur, elles sont une invitation à regarder les arbres sous un autre jour, avec un brin de curiosité et beaucoup d’émerveillement.
Alors, la prochaine fois que vous croisez un tronc orné d’une excroissance, ne le voyez plus comme une anomalie, mais comme une œuvre d’art naturel, crée par notre artiste l’arbre !
Merci pour ces informations , toujours aussi documentées et passionnantes.
Merci beaucoup !
Je sais maintenant à quoi correspond la loupe d’orme, Merci! J
Mais je vous en pris !
Toujours aussi intéressant cet article.
On en apprend des choses… et respect pour la nature une fois de plus!
Merci Monsieur Guerineau!